Santé et qualité de l’air, suite…

Depuis l’article publié sur ce blog l’année dernière, les recherches à propos de l’impact de la pollution de l’air sur la santé continuent à s’accumuler.

Alors qu’ils n’étaient que 123 en 1988, 1371 articles ont été publiés en 2012 dans la littérature scientifique sur le lien entre qualité de l’air et santé (Pubmed). Cette contribution se propose de refaire le point à ce sujet.

Parmi les diverses pollutions auxquelles nous sommes exposés, c’est celle dont nous sommes le moins conscients, la pollution de l’air, qui est la plus néfaste. Elle a été reconnue pour la première fois comme un des principaux facteurs de risques pour la santé dans l’étude « 2010 Global Burden of Diseae », publiée en 2013 dans la sérieuse revue médicale, le « Lancet ».

On pourrait relativiser cette constatation du fait de l’augmentation continue de l’espérance de vie dans nos pays « développés ». En effet, l’espérance de vie à 65 ans a augmenté de 1 an entre 2005 et 2010 en Europe, actuellement autour de 20 ans en moyenne (données Eurostat). 
Cependant,
  • l’espérance de vie sans handicap n’a pas été modifiée, et au contraire durant cette période le temps perçu en bonne santé a diminué de 0,5 à 1 an en fonction du sexe.
  • l’incidence de plusieurs maladies augmente depuis 20-30 ans :

-les cancers, de 1 à 2% chaque année entre 1980 et 2005 (Institut National du Cancer, France).
-les troubles du développement du cerveau, comme par exemple l’autisme ou le trouble de l’attention avec hyperactivité
-l’asthme et le diabète chez l’enfant.  

L’amélioration des moyens diagnostiques ne semble pas expliquer à elle seule l’augmentation de l’incidence de ces maladies. Des facteurs environnementaux seraient donc en cause, et parmi ceux-ci la pollution atmosphérique.

En mai 2013, l’agence européenne pour l’environnement a publié un rapport reprenant les principales données concernant l’impact de la pollution sur la santé. Un chapitre est consacré à la pollution de l’air extérieur. Nous recommandons vivement la lecture de ce rapport aux décideurs impliqués dans les projets de nouvelles infrastructures routières. Comme déjà souligné dans ce blog, ce sont les particules fines qui sont identifiées comme les plus toxiques, ensuite viennent l’ozone et l’oxyde d’azote. Une des principales sources de particules fines en milieu urbain sont les émissions de moteurs diesels, reconnues cancérigènes par l’OMS en juin 2012.

Pour rappel, une corrélation a été établie entre concentration de particules fines (principalement la fraction « PM2,5 ») et :
-mortalité prématurée, nombre d’hospitalisations
-maladies respiratoires (cancer, bronchite chronique)
-maladies cardiovasculaires : infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux
-fausses couches, naissance prématurée, petit poids de naissance
Dans notre région, la concentration annuelle moyenne de PM2,5 reste supérieure aux normes proposées par l’OMS (10 µg/m³). De plus, cette concentration augmente à proximité du trafic automobile.

Par ailleurs, toute une série de publications ont étudié la fréquence de diverses maladies en lien avec la proximité du trafic automobile. Elles ont constaté que les personnes les plus fragiles, enfants, personnes âgées et femmes enceintes sont touchées en priorité:
-augmentation des nouveaux cas d’asthme (Perez 2012 : à Los Angeles 8% des cas d’asthme sont attribuables à la localisation à moins de 75m d’une route majeure) et de diabète (Thiering 2013 : la proximité d’une route majeure augmente la résistance à l’insuline de 7,2% par 500 m) chez l’enfant
-augmentation de la mortalité après AVC (Wilker 2013 : les patients vivant à 100 m ou moins d’une route fréquentée ont un taux de mortalité supérieur de 20% par rapport aux patients vivant à plus de 400 m)
-troubles cognitifs chez les personnes âgées
(Wellenius 2013 : les participants à l’étude résidant à moins de 100 m d’une route majeure avaient une plus mauvaise performance aux tests de mémoire)
-troubles du développement cérébral : autisme (Volk 2011 et 2013, résultats confirmé par Roberts 2013 : le risque d’autisme était de 2 fois supérieur pour les enfants issus de mères habitant à moins de 309 m d’une autoroute durant leur grossesse, ou durant la première année de vie), troubles de l’attention chez l’enfant (Calderon-Garciduenas 2011, Perea 2012)

La pollution de l’air d’origine automobile est un processus à « polluants multiples ». Dans ces études de proximité avec le trafic, le ou les facteurs toxiques responsables de ces répercussions sur la santé ne peuvent être identifiés avec exactitude parmi les dizaines de candidats identifiés.

Ainsi, l’impact sur la santé de nouvelles infrastructures routières ne peut actuellement pas être quantifié précisément. Cependant, la recherche scientifique a clairement montré que cet impact existe. Dans le même temps, la législation européenne, belge ou régionale ne s’est pas adaptée à ces nouvelles données.

Plusieurs interventions ont été menées, notamment à Londres et Stockholm, afin de réduire la pollution de l’air d’origine automobile, avec pour résultat des bénéfices en terme de santé publique, par diminution de la mortalité/morbidité cardiovasculaire et respiratoire (Henschel 2012).

Le projet de « captation » de milliers de voitures chaque jour en provenance de l’autoroute  E411 pour les orienter vers un parking démesuré à l’intérieur même d’une agglomération a un coût financier immédiat, déjà discuté dans d’autres articles de ce blog, mais aussi un coût en matière de santé publique. Ce coût devrait être pris en compte par nos décideurs politiques.

Références

Perez L, Lurmann F, Wilson J, Pastor M, Brandt SJ, Künzli N, McConnell R. Near-roadway pollution and childhood asthma: implications for developing "win-win" compact urban development and clean vehicle strategies. Environ Health Perspect. 2012 Nov;120(11):1619-26.

Thiering E, Cyrys J, Kratzsch J, Meisinger C, Hoffmann B, Berdel D, von Berg A, Koletzko S, Bauer CP, Heinrich J. Long-term exposure to traffic-related air pollution and insulin resistance in children: results from the GINIplus and LISAplus birth cohorts.
Diabetologia. 2013 Aug;56(8):1696-704.

Wilker EH, Mostofsky E, Lue SH, Gold D, Schwartz J, Wellenius GA, Mittleman MA.


Volk HE, Hertz-Picciotto I, Delwiche L, Lurmann F, McConnell R. Residential proximity to freeways and autism in the CHARGE study. Environ Health Perspect. 2011 Jun;119(6):873-7.

Wellenius GA, Boyle LD, Coull BA, Milberg WP, Gryparis A, Schwartz J, Mittleman MA, Lipsitz LA. Residential proximity to nearest major roadway and cognitive function in community-dwelling seniors: results from the MOBILIZE Boston Study. J Am Geriatr Soc. 2012 Nov;60(11):2075-80.

Roberts AL, Lyall K, Hart JE, Laden F, Just AC, Bobb JF, Koenen KC, Ascherio A, Weisskopf MG. Perinatal Air Pollutant Exposures and Autism Spectrum Disorder in the Children of Nurses' Health Study II Participants. Environ Health Perspect. 2013 Jun 18.

Volk HE, Lurmann F, Penfold B, Hertz-Picciotto I, McConnell R. Traffic-related air pollution, particulate matter, and autism. JAMA Psychiatry. 2013 Jan;70(1):71-7.

Calderon-Garciduenas L, Engle R, Mora-Tiscareno A, Styner M, Gomez-Garza
G, et al. (2011) Exposure to severe urban air pollution influences cognitive
outcomes, brain volume and systemic inflammation in clinically healthy
children. Brain Cogn 2011 ;77: 345–355.


Prenatal polycyclic aromatic hydrocarbon (PAH) exposure and child behavior at age 6-7 years. Environ Health Perspect. 2012 Jun;120(6):921-6.

Henschel S, Atkinson R, Zeka A, Le Tertre A, Analitis A, Katsouyanni K, Chanel O, Pascal M, Forsberg B, Medina S, Goodman PG. Air pollution interventions and their impact on public health. Int J Public Health. 2012 Oct;57(5):757-68.



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