La qualité de l'air, un enjeu local

Dans tous les débats concernant la mobilité, l’impact sur la santé de la pollution de l’air d’origine automobile reste un sujet très peu abordé bien que les connaissances scientifiques se soient accumulées ces dernières années.

Il a été scientifiquement démontré que la pollution de l’air extérieur est un facteur de risque important pour la santé. En 2013, l'OMS l'a reconnue comme cancérigène certain. Selon l'agence européenne pour l’environnement, 400.000 européens meurent prématurément chaque année du fait de la pollution atmosphérique qui provoque 10 fois plus de décès que ceux liés aux accidents de la route.

Le trafic automobile est une composante majeure de pollution de l’air, les gaz d’échappement des moteurs diesel étant également reconnus cancérigènes depuis 2012. Seules les études épidémiologiques peuvent déceler cette augmentation statistique du risque de maladies aussi répandues que l’infarctus du myocarde, l’asthme ou le cancer du poumon. Contrairement à l’amiante (responsable d’un cancer spécifique touchant la plèvre), aucune victime ne pourra prouver la responsabilité de la pollution de l’air dans l’apparition de sa propre maladie. Ainsi, ces malades et morts précoces restent invisibles et non « médiatisables ». 

On pourrait nous rétorquer que ces faits scientifiques n’ont que peu à voir avec une association locale d’habitants, et relèvent davantage de politiques de mobilité au niveau régional, fédéral et européen qui viseraient à une diminution globale des émissions de polluants. Cependant, les études scientifiques nous montrent que les décisions urbanistiques au niveau local sont tout aussi primordiales. L’air est en effet davantage pollué à proximité des routes (jusqu’à 500 mètres, voire plus selon les polluants). De nombreuses études ont montré une augmentation du taux de mortalité et du risque de plusieurs maladies chroniques pour les personnes vivant aux abords des routes fréquentées. Citons notamment les maladies cardio-vasculaires, le retard de croissance intra-utérin, divers cancers chez l’enfant et l’adulte, des troubles du développement cognitif de l’enfant et l’asthme. Concernant cette dernière pathologie, le dernier éditorial d’une revue réputée de pneumologie (« Thorax », 4 janvier 2014) évoque le « challenge de la séparation » entre population et trafic automobile. 

La combinaison de multiples polluants est vraisemblablement en cause, ce qui fait que la mesure de la concentration de seulement certains d’entre eux ne permet pas d’évaluer le risque pour la santé, selon les conclusions de la revue de la littérature scientifique faite par le bureau régional de l’OMS pour l’Europe en 2013 (1).

Tous ces faits appellent logiquement une réponse politique à l’échelon local, de façon à diminuer la densité du trafic automobile près des habitations. Cette politique commence à entrer en vigueur un peu partout en Europe (article du Monde daté du 4 janvier 2014 : « en Europe, 200 villes restreignent leur accès aux véhicules polluants »). A contre-courant de cette tendance, Louvain-la-Neuve s’apprête à voir sa circulation automobile augmenter suite à la construction dans le centre-ville d'un parking P+R, présenté par la SNCB et dans la presse comme « le plus grand parking du Bénélux ». Il est symptomatique que l’UCL n’ait pas, dans son communiqué de presse du 6 décembre dernier relatif à l'inauguration du chantier, mentionné ce lien entre pollution de l’air d’origine automobile et santé publique. Les émissions de gaz polluants y sont simplement évoqués comme des "désagréments" parmi d'autres "nuisances sonores et olfactives éventuelles". Cela ne relève probablement pas que de la méconnaissance, mais aussi du déni.


(1) "Review of evidence on health aspects of air pollution-REVIHAAP Project: final technical report", pages 67 à 72 : “There is evidence of increased health effects linked to proximity to roads. What evidence is available that specific air pollutants or mixtures are responsible for such increases, taking into account co-exposures such as noise?”.

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